Conférence de Jacques Lévy.
Conçue et animée par Ariella Masboungi , avec la contribution de Bertrand Ousset, directeur général adjoint de l’EPAmarne-EPAfrance.
La perspective d’un développement urbain durable bute souvent sur le présupposé d’une antinomie entre ville et nature ou sur une indépendance entre les deux. Et si, au contraire, il fallait partir du constat que la ville satisfait aux exigences de la protection de l’environnement naturel?… Si on posait l’hypothèse que, dans un contexte où l’urbanisation de la planète se généralise et s’achève, il fallait chercher dans l’urbanité les ressources nécessaires et suffisantes pour traiter de l’efficacité énergétique, de la préservation du sol et de l’air et de l’économie de moyens dans notre usage du monde bio-physique ? D’où l’idée d’inverser la proposition « La ville sera durable ou ne sera pas » en « La durabilité sera urbaine ou ne sera pas ». Ce débat résonne fortement avec la question d’Henri Lefebvre: l’urbain est-il, en lui-même, socialement émancipateur ? De récentes études montrent que cet enjeu se déploie de plus en plus dans la tête des citadins eux-mêmes. Qu’ils soient « allophiles » (acceptant volontiers l’exposition à l’altérité) ou « allophobes » (recherchant l’homogénéité des populations et des fonctions dans leur espace quotidien) et le visage de la ville s’en trouvera profondément modifié. Comme dans le cas de l’environnement naturel, il semble bien que lorsque la ville assume son « métier » propre – une urbanité faite de densité et de diversité -, elle gagne sur tous les tableaux. Se retrouve ici un aspect souvent mal compris du développement durable :la cohérence et l’indissociabilité entre ses trois « piliers » (naturel, économique, social). « Développement urbain durable » est en somme une manière, avec trois mots, de dire trois fois la même chose.
Jacques Lévy est géographe, professeur à l’École polytechnique fédérale de Lausanne. Il codirige la revue EspacesTemps.net et la collection Espace en société aux Presses polytechniques et universitaires romandes. Il collabore avec Libération, Le Monde, Le Temps, etc. Il s’intéresse à la théorie de l’espace des sociétés, à l’épistémologie et aux méthodes des sciences sociales et cherche à lier recherche fondamentale et pratiques de l’urbanisme et du développement spatial. Il a publié plus de 500 ouvrages en français, anglais, italien, allemand, espagnol, portugais, russe et hongrois. Les plus récents sont L’invention du Monde (dir., Presses de Sciences Po, 2008), The City (Ashgate, 2008), Échelles de l’habiter (dir., PUCA, 2008), Our Inhabited Space (dir., FNRS, 2009).
Durée 2h00 – captation vidéo