Paris (92000)
Conférence de Jérôme Monnet
Conçue et animée par Ariella MASBOUNGI, avec la contribution d’Alain Garès. Textes établis par Jacques Marillaud, graphisme des programmes par Laurent Ciry.
La ville entre enclaves et interdépendances
Dans les quinze dernières années, élus, urbanistes et chercheurs se sont préoccupés de la prolifération des enclaves résidentielles dans les villes du monde entier. Après la séparation des fonctions et des circulations par le zonage, après l’étalement périurbain de l’urbanisme des «boîtes à chaussures», il a semblé que la fragmentation urbaine culminait dans le développement des programmes résidentiels sécurisés symbolisés par les« Gated Communities», délimitées tant par leurs portes et clôtures que par leurs pointilleux règlements de copropriété.Devant ce phénomène, les observateurs se sontdemandé si les limites, murs et portes étaient en train deremplacer les espaces publics à l’interface entre les différentes composantes de la société; si la ségrégation socio-spatiale était en train d’augmenter; si le processus d’enclavement signifiait une volonté de rester «entre soi» et de réduire le «vivre-ensemble » et socialement homogène… Or, les recherches menées auprès des habitants de ces enclaves, au niveau international, montrent que le modèle du club à accessibilité contrôlée n’est pas l’apanage de catégories aisées et moyennes souhaitant mettre à distance les plus pauvres,et se diffuse dans toutes les strates sociales avec la métropolisation, dans la mesure où il apparaît comme une stratégie de maîtrise de l’environnement dans un contexte d’incertitude pour tous les acteurs. Bien que les enclaves puissent être considérées comme une violence faite à la continuité du tissu urbain, il apparaît finalement un paradoxe : la multiplication des enclaves, résidentielles comme d’emploi ou de consommation, augmente l’interdépendance au lieu de favoriser l’autonomie.
Jérôme Monnet est professeur à l’Institut Français d’Urbanisme (Université Paris-8) et chercheur au Laboratoire Théories des Mutations Urbaines (CNRS). Ses recherches portent sur l’urbanité, la centralité et l’espace public dans les grandes métropoles des Amériques. Il a dirigé le Centre d’études mexicaines et centraméricaines du Ministère français des Affaires étrangères à Mexico, a été chercheur invité de la Fondation Getty à Los Angeles et membre de l’Institut universitaire de France. Il a publié plusieurs ouvrages, dont La ville et son double : la parabole de Mexico,et L’urbanité dans les Amériques (en codirection avec G. Capron). Il a préfacé l’ouvrage dirigé par Guénola Capron,Quand la ville se ferme : quartiers résidentiels sécurisés (Bréal, 2006), qui expose des recherches dont il avait été l’initiateur.