Portrait d’Agnès BASTIN, docteure en urbanisme

La création de valeur | La ville durable | Les aménageurs
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22 Sep 2022

Après un double cursus à l’ENS et au sein du magistère d’aménagement de Paris 1 Panthéon Sorbonne, Agnès Bastin s’attache à la question de l’économie circulaire et au concept de métabolisme urbain (à lire sur ce thème les travaux de Sabine Barles, ici). Elle vient de soutenir une thèse de doctorat consacrée aux transformations du métabolisme territorial et portant sur l’étude d’expérimentations de nouvelles valorisations des déchets de chantier.

Dans le cadre de votre thèse, vous avez développé une recherche fondée sur la pratique de « l’observation participante » et avez été en contact avec une diversité d’acteurs de la fabrique urbaine. Comment se sont structurés vos travaux ?

AB : Mes travaux portent sur la gouvernance des flux de matière, en particulier des matériaux de construction et de déconstruction, et les processus de changement des métabolismes urbains en Ile de France et à Bruxelles. Mon travail s’est d’abord construit sous la forme d’un terrain exploratoire pour comprendre les filières existantes, identifier les flux (matériaux de construction et déchets de chantier), et comprendre les logiques d’acteurs[1]. Un second volet concerne l’entrée par les politiques publiques : programme régionale d’économie circulaire à Bruxelles (ici)et la démarche dite « métabolisme urbain » de Plaine Commune (ici). J’ai ensuite cherché à travailler sur des expérimentations dans chacun de mes terrains, le projet Cycle-Terre  (une fabrique de matériaux en terre crue à partir de terres excavées des chantiers franciliens) en Ile de France principalement, et le projet « Zin » à Bruxelles, qui concerne la rénovation lourde de deux tours de bureaux.

A Bruxelles, le lien s’est opéré via le bureau Bruxellois de Planification, Bruxelles Perspective, qui m’a permis d’avoir d’emblée une vision transversale du sujet et a facilité la mise en réseau avec les acteurs du projet ZIN.

Pour le projet Cycle-Terre, qui disposait d’un financement FEDER (Actions Innovatrices Urbaines) et du label Démonstrateurs Industriels pour la ville Durable, mon laboratoire était partenaire. Cela nous a permis avec mon directeur de thèse Éric Verdeil, d’être partie-prenante et de développer une posture d’observation participante pendant près de 4 années.

L’échelle du programme et la diversité des parties prenantes m’a permis d’accéder aux acteurs et de décrypter leurs logiques d’action, tout en développant mes contacts de manière plus générale, y compris pour ma thèse. Un élément intéressant de l’observation participante est le fait de suivre les les évolutions d’un projet dans le temps. Cela donne une connaissance plus directe des contraintes et facteurs d’évolution d’un projet que dans le cadre d’un entretien. En effet, au cours d’un entretien, les facteurs d’évolution font l’objet d’une construction rétrospective par la personne enquêtée.

Un dernier point sur la nature de mes travaux et le contact avec des opérateurs de terrain est la confusion qui peut naître entre le travail du chercheur et celui d’un consultant. Notre apport se situe plutôt dans une analyse rétrospective et répond à un questionnement propre, plutôt que de répondre à un besoin opérationnel, ce qui peut parfois déstabiliser.

Vous défendez le besoin d’une diversité de cadres de croisement entre acteurs et chercheurs. Pourquoi est-ce selon vous si important ?

AB : Dans le cadre de ma thèse, j’ai pu bénéficier de conditions de financement privilégiées, en disposant d’un contrat doctoral et de financements ponctuels de l’école doctorale de sciences po pour la prise en charge de mes missions de terrain. Bruxelles dispose d’un dispositif qui croise opérateurs et chercheurs autour de thématiques jugées prioritaires et qui permet d’opérer un lien direct entre laboratoire et acteurs. Le mode de financement devient un levier pour faciliter le déploiement de terrains et facilite le contact avec les acteurs (car le thème est identifié et porté).

Je crois par ailleurs qu’il y a un enjeu pour les acteurs à être réceptifs à des demandes qui dépassent un peu l’entretien, mais qui ne nécessitent pas la mise en place d’une relation très formalisée. A Bruxelles, mes recherches se sont déroulées dans le cadre d’une convention relativement simple co-rédigée par l’équipe de Bruxelles perspective et mon laboratoire et qui fixait les engagements de chacun : me fournir un espace de travail pendant plusieurs semaines et répondre à mes sollicitations pour Bruxelles perspective (accès à des réunions d’équipe, ateliers de travail, documents internes…), leur faire une restitution de mes observations bruxelloises et de mon travail en IDF pour moi. Cette convention ne faisait pas l’objet de volet financier.

Cet appel à des formes simples ne doit toutefois pas nous dispenser de déployer plus de travaux financés autour des enjeux de l’aménagement. J’observe que beaucoup de mes collègues doctorants dans les disciplines de l’aménagement relèvent de dispositif type CIFRE plutôt que de contrats doctoraux. Ces conditions de financement du doctorant ne sont pas neutres et peuvent conduire à ajuster les axes en lien avec les parties prenantes, parfois de manière positive, parfois en perdant une partie de la cohérence avec les travaux du reste de l’équipe.

Quelque soit les modalités de partenariats, je pense qu’il y a un réel intérêt à développer  les observations participantes pour les projets. La connaissance produite permet de recontextualiser l’action pour les opérateurs de terrain et de l’inscrire dans une perspective plus large. Dans une moindre mesure, la présence de chercheurs peut aider à faire circuler l’information entre les acteurs (rôle de tiers de confiance dans un jeu d’acteurs complexe).

A lire pour poursuivre sur les travaux d’Agnès Bastin :

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