5 à 7 : L’agriculture est la clé du projet écologique des territoires !

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04 Fév 2025

La clé des champs

Et si l’agriculture était une des clés écologiques des projets de territoire ? Longtemps ignorée par l’urbanisme et l’aménagement, elle se révèle déterminante pour penser la biodiversité, la santé, l’écologie et le paysage. Alors que pas moins de la moitié du territoire français est agricole, n’est-il pas grand temps, après l’échec des COP et face aux risques climatiques, d’en redéfinir la place – et ceci, non seulement en limite de nos villes mais sur l’ensemble du territoire? C’est là tout l’objet du 5 à 7 conçu et imaginé par Ariella Masboungi qui affirme que l’agriculture est la clef du projet écologique des territoires et s’interroge sur la manière d’y réfléchir. En plaidant pour une agriculture réinventée, enrichie des nouvelles connaissances qui, seules, peuvent concilier économie et écologie.

Sébastien Marot : Agriculture et architecture, quatre scénarios pour le futur

Tout comme l’architecture et l’agriculture ont historiquement surgi comme deux soeurs jumelles alors que les populations humaines commençaient à domestiquer la faune et la flore, à se sédentariser et à bâtir, l’écologie et l’économie ne seraient-elles pas également les deux gémeaux qui permettront d’affronter l’impasse environnementale ? Et n’est-ce pas en les faisant à nouveau dialoguer que réside la clé d’un territoire plus stable et plus vivant ? C’est au coeur d’une réflexion inspirée de la contre-culture américaine des années 1970-, que le philosophe Sébastien Marot, citant notamment le cofondateur de la permaculture, David Holmgren, invite à trouver les pistes d’un futur.

Dans son livre récent Prendre la clé des champs1, Marot exhume les penseurs visionnaires qui ont fait de l’agriculture le pivot du projet écologique. Reformulant les travaux de Holmgren, il esquisse quatre scénarios prospectifs : le premier, « incorporation », propose une vision éco-moderniste où une nouvelle révolution industrielle permettrait d’affronter les conséquences délétères de la précédente, avec des métropoles denses aux buildings that grow food. Le second « négociation », imagine une ville horizontale qui continue de s’étendre, intégrant horticulture, sylviculture et agriculture dans un urbanisme agricole. Le troisième, « infiltration », repose sur l’agriculture urbaine, où des initiatives locales s’infiltrent dans les villes existantes, avec des cultures sur terrains vagues, des plantations de toitures, ou encore des troupeaux paissant sur les talus d’autoroute. Enfin, le quatrième « sécession » – rejoignant le concept de suburbanisme inventé par ’auteur qui le pense inéluctable – dessine l’exode urbain de collectifs organisés en économie de subsistance. Bousculant les paradigmes actuels, fondés sur une séparation entre ville et campagne, Marot propos une coexistence harmonieuse entre production alimentaire, écologie et habitat et souligne l’urgence de réinvestir les espaces délaissés, les ceintures maraîchères ou les zones périurbaines longtemps indispensables à l’autonomie alimentaire locale, et aujourd’hui mis à mal par l’urbanisation galopante.

Pierre Janin : des projets pilotes porteurs d’espoir

Une vision également soutenue par Pierre Janin, agriculteur, architecte-urbaniste et fondateur (avec son frère paysagiste Rémi Janin) de Fabriques Architectures Paysages, qui, par des projets pilotes, multiplie les initiatives pour réconcilier pratiques agricoles et aménagement du territoire. Ainsi un plan paysage dans le cadre du projet alimentaire du Grand Clermont-Ferrand vise à protéger les terres agricoles de la plaine de Limagne, secteur de terres noires au potentiel agronomique exceptionnel. Sans céder à la pression immobilière, il relocalise les entrepôts logistiques sur des zones déjà artificialisées et régénère les espaces bâtis existants. D’autres exemples illustrent cette approche : à Pau, un parc agricole a vu le jour sur des friches, intégrant des pratiques innovantes et des projets éducatifs. Et en périphérie lyonnaise des terres agricoles, menacées par un projet de centre commercial, sont réintégrées à un projet associant production alimentaire, éducation et biodiversité, grâce à un processus participatif et une négociation avec les aménageurs et acteurs publics Autant d’initiatives qui, bien que marginales, montrent comment les espaces peuvent être pensés de manière écosystémique.

Thierry Febvay : un engagement nécessaire des aménageurs

Thierry Febvay, directeur exécutif de la Semmaris (Rungis), veut incarner un pont entre ville et campagne, défendant le rôle central des aménageurs dans l’intégration des enjeux agricoles à l’aménagement urbain. Alors que la souveraineté alimentaire devient prioritaire, rapprocher certaines productions agricoles des centres urbains s’impose. Les aménageurs doivent donc repenser la logistique et intégrer des infrastructures de transformation, favorisant la relocalisation des activités agricoles dans les métropoles. Cela implique d’élargir leur périmètre d’action en collaboration avec le monde agricole, adoptant une approche systémique. Dans le nord de l’Île-de-France, le projet AgoraLime, porté par la Semmaris, en est un exemple concret : ce marché soutient la diversification des cultures (fruits, légumes, céréales), forme des professionnels qualifiés et développe des outils pour transformer et commercialiser des produits agricoles. Autant d’initiatives qui renforcent les liens entre ville et campagne tout en réduisant la dépendance aux circuits longs. Face à l’urgence de bâtir des modèles locaux durables, les agriculteurs s’imposent donc comme des « architectes de l’aménagement du territoire ». Bien plus qu’un slogan, ils portent un projet de société où écologie et économie se conjuguent harmonieusement, où les sols sont préservés et les populations sont nourries durablement.

En conclusion

L’agriculture de demain devra donc, au-delà des enjeux alimentaire et climatique, réconcilier les territoires, renouer les liens entre humains et paysages, et redonner du sens à l’aménagement. Un défi immense, mais porteur d’espoir, qui exige l’engagement des aménageurs. À l’image d’Eric Bazard, président du Club Ville-Aménagement et directeur général de la SPL Vallée Idéale Développement, pour qui réinventer les modèles d’aménagement n’est pas une option, mais une nécessité qu’il s’attache à inscrire au coeur de chacun de ses projets.

Clélia Fortier

Conférenciers : Pierre Janin, architecte-urbaniste (Fabriques) et Sébastien Marot, philosophe.

Débatteur : Thierry Febvay, directeur exécutif-Semmaris.

Débat conçu et animé par Ariella Masboungi, grand prix de l’urbanisme 2016

1Sébastien Marot, Prendre la clé des champs, Editions Wildproject, sept 2024

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